219è jour : Malko Tarnovo - Kavakli

17 novembre 2011

63,1 km, 9358 km au total

Encore une nuit compliquée, il a plu de temps en temps, doucement, mais suffisamment fort pour nous réveiller. Au moment du départ d'ailleurs il se remet à bruiner, on sent qu'on est tout juste à la limite entre pluie et neige, ça s'annonce sport pour la suite.
La matinée débute donc directement par la grosse montée. Doucement mais sûrement on prend de l'altitude. Vers 450 mètres la neige est omniprésente autour de nous et des petits flocons volettent au gré du vent. On poursuit l'ascension, la route est bien dégagée mais on commence à constater qu'on pourrait faire du ski de fond sur le bas-côté. Il caille bien, on met les moufles mais le fait de forcer sur les pédales maintient notre corps à une température respectable. Le plus dur c'est de boire, ça vous branche vous de l'eau à 1°C ? Nous pas trop. On regrette un peu de ne pas avoir de thermos, peut-être qu'on en achètera une petite si on continue à côtoyer des températures de ce genre... Hélène avait presque décidé d'en acheter une il y a quelques semaines, j'étais mitigé parce que ça pèse un bras, mais il faut avouer que ce matin ça aurait été sympa un petit thé chaud.
On papote un peu avec un roumain en vadrouille qui s'est arrêté pour observer notre embarcation, on fait quelques photos, c'est sympa.
Mètre après mètre on approche de la frontière turque. Finalement, 8 km après être partis, une heure trente plus tard et 350 mètres plus haut soit 666 mètres à l'altimètre et sur le GPS, la voilà, la frontière. Premier contrôle des passeports pour sortir de Bulgarie, puis 4 (oui 4) contrôles pour rentrer en Turquie, la folie !
Le policier qui met le tampon me pose quelques questions :
- vous allez où ?
- Istanbul.
- ??? à vélo ??? (sous entendu, " mais c'est super loin, c'est pas une distance faisable à vélo") Et vous êtes partis d'où ?
- De France, Paris
- ?!? (sous entendu "vous êtes vraiment dingues") Et après Istanbul, vous prenez l'avion pour rentrer en France ?
- Oui on va en France, mais toujours en vélo !
- ??? (sous entendu "ils sont vraiment barges ces français")
Moi je souris, j'ai l'habitude.

Après la frontière on a un doute, on nous a dit que ça redescendait mais nos cartes ne sont pas aussi claires que ça, et en effet pour chaque dizaine de mètres descendus on en remonte 8. On oscille donc pendant un bon moment entre 450 et 600 mètres, ce qui n'est pas de tout repos pour les muscles. Par contre là où on est d'accord avec ce qu'on nous a dit, c'est que côté turc, la route est un vrai billard, 3 voies, bitume de compétition, voie d'arrêt d'urgence de 2-3 mètres de large qui fait une super piste cyclable, bas-côté bétonné pour évacuer l'eau de la montagne et de la fonte de la neige, bref la grande classe façon "vous avez vu les super infrastructures qu'on a, on est bons pour rentrer dans l'UE". je sens bien un pétage de record de vitesse en descente sur cette superbe route déserte qui plus est mais les premières heures sont sous le signe de la prudence (la route est mouillée à la limite du verglas) et les descente pas très longues et enchaînées par des montées un peu rudes, plus difficiles que la montée vers la frontière. On est un peu dégoutés.
Après plusieurs heures à tenter de descendre suffisamment pour ne plus avoir de neige sur le bas côté, on se trouve un petit coin à l'abri pour pique niquer. Le paysage a bien changé, ça devient plus aride, on sent que l'été ça doit être le cagnard, mais là en l'occurrence il fait encore bien frais. On profite de quelques belles éclaircies pour se reposer, se réchauffer un peu et lire notre guide sur la Turquie.
La première descente de l'après-midi est la bonne : route sèche, super large, pas un chat, on prend de la vitesse, puis on explose, que dis-jet on pulvérise, non on atomise carrément notre précédent record puisqu'on atteint 79,8 km/h, soit 10 de plus que notre record de l'an dernier. La remontée en face est moins drôle... et ça continue encore une bonne partie de l'après-midi comme ça.
On arrive enfin à Kirklareli, première grosse ville turque. On se trouve propulsés dans un nouveau monde. Après la sagesse des bleds des derniers jours, la balnéarité des villes des semaines précédentes, là c'est l'orient. Les minarets des mosquées sont omniprésents et dans le centre il règne une atmosphère du sud : nonchalance mais ça grouille en même temps. Les voitures conduisent au klaxon, tout le monde traverse n'importe comment, ... impressionnant la différence en 50 km !
On se décide pour traverser la ville et poursuivre vers le sud pour rejoindre l'autoroute, la dépasser et obliquer ensuite plein est. On pourrait prendre une autre route directement vers l'est mais elle semble quand même couper beaucoup de vallées, ce qui signifie encore par mal de relief et pour nous ces 2 jours ont quand même été bien sports... on préfère le plat !
On sort donc de la ville, parcourt quelques kilomètres pour trouver un endroit un peu calme. Ca s'annonce mal, que des grands champs. On finit néanmoins par s'enfoncer derrière quelques haies, ça devrait le faire.
En tout cas on a super bien roulé, on est fiers de nous mêmes, parce que entre les 63 bornes, le relief, la neige, la frontière... on s'en est bien tirés. Et hop un nouveau pays à découvrir.

220è jour : Kavakli - Kirkgoz

18 novembre 2011

81,6 km, 9440 km au total

Bon ce matin dans la campagne il caille. -3°C, à croire que le froid nous poursuit. On n'ose pas imaginer la température si on avait couché en haut de notre montagne... La bonne nouvelle c'est que le beau temps est de retour, la lune, les étoiles, au lever (toujours avant 6h) je vois mon ombre portée non pas du soleil mais de la lune, j'adore.
Pendant que j'y pense, avis aux amateurs de céréales croquantes mangées "à sec" au petit déjeuner : éviter les chocapic. D'habitude je trouve toujours du muesli croquant plutôt sympa (sauf en Roumanie) mais nos dernières courses nous ont amené à acheter ces fameux pétales au chocolat qui sont clairement conçus pour être mangés imbibés de lait parce que sec c'est hyper dur, et je n'ai plus de gencives ! Eh oui, on n'a pas des vies faciles !!!
On reprend plein sud, vent dans le dos sur cette magnifique route. On a toujours notre bande d'arrêt d'urgence qui fait office de piste cyclable et cette 2x2 voies passe très très bien.
On oblique ensuite plein est, on suit les panneaux Istanbul.
Le relief n'est pas totalement absent. On perçoit encore régulièrement les espèces de dorsales perpendiculaires à notre route, ce qui nous fait osciller en permanence. On passe donc de 35 km/h à 8, mais le tout est très fluide et là encore sur un bitume d'une rare perfection. Il y a de l'autre côté des travaux et on constate donc qu'ils sont en train de refaire une belle couche de 20cm de bitume sur un goudron qui est déjà nickel. On ne comprend pas bien l'idée, mais en tout cas notre tank adore.
Lorsqu'on pique-nique on a déjà fait 50 km. Le soleil est un peu caché mais le vent suffisant pour faire 1/ fondre le givre de la tente et 2/ faire évaporer l'eau ensuite. Le vent en profite d'ailleurs pour tourner, et désormais on l'a en pleine face. On s'enquille malgré tout quelques kilomètres histoire de progresser un peu et de rendre réaliste notre objectif de rejoindre Istanbul d'ici dimanche soir. On a contacté ce matin un CS qui nous a rapidement répondu non, on a donc fait une seconde tentative... est-ce que ça va être comme pour Budapest ou Belgrade, à savoir plein de personnes mais pas assez de temps pour enchainer les demandes au fur et à mesure que les réponses négatives arrivent ? On verra bien.
Une petite camionnette nous double et s'arrête devant nous. En descend Oguz (désolé il y a un accent sur le g normalement, ça se prononce quelque chose comme "Auz"), un turc qui vient discuter avec nous et nous prendre en photo. Lui aussi fait du vélo, d'ailleurs il a son vtt dans la camionnette ! Il nous montre des photos et petites vidéos sur son appareil. Il y avait visiblement une course à Istanbul il y a quelques jours.
Vers 15h30 on se met en chasse d'un lieu de bivouac. La carte d'Hélène (désormais on est au 1:500 000è et à priori pas toute récente malgré son achat cet année) indique qu'il y a des gros trous entre les bleds qu'on traverse, mais la réalité est toute autre. La route est bordée d'usines de textile, énormes, mais à tout touche. On découvre aussi concrètement ce qu'on a lu hier dans notre guide : l'omniprésence des minibus. On voit d'ailleurs toute l'organisation de ces bus autour de l'activité des usines : ils viennent chercher les employés à la sortie du travail. Il y a toute une économie autour. Toujours est-il qu'on se fait doubler en permanence, et qu'aux fenêtres ça nous mate sévère.
On poursuit malgré tout nos recherches, toujours aussi infructueuses. Il n'y a pas le moindre trou pendant des dizaines de kilomètres. Même pas une petite route perpendiculaire à se mettre sous la dent. Que dalle. En plus la 2x2 voies empêche toute traversée et nous cantonne un peu à un seul côté pour nos recherches. Ces derniers jours 16h est notre dernière heure pour nous arrêter pour avoir le temps de planter la tente. Là il est 16h10 et tout ce qu'on voit c'est une grosse ville qui s'annonce au loin. Je commence à regarder ce qu'on pourrait se trouver comme petit hôtel mais rien dans l'immédiat. 16h20 ça commence à urger... Moins d'une demi-heure de lumière... Finalement à 16h30 on aperçoit un parc. C'est d'une rare pourriture, à 20 mètres de la route surchargée, on sent qu'à même pas 50 mètres derrière il y a d'autres usines ou je ne sais quoi (vous devez vous marrez à voir le point dans Google maps avec la vue satellite). Toujours est-il qu'il y a quelques bosquets, pas d'éclairage municipal, donc d'ici quelques dizaines de minutes on devrait être tranquilles... enfin façon de parler car les camions ne s'arrêtent pas avec l'arrivée de la nuit, pas plus que les usines. Ca klaxonne, les moteurs ronflent, on a aussi le droit régulièrement au muezzin, bref combiné à un sol pas plat pour un sou, la nuit s'annonce très sportive ! On s'en souviendra.
A peine la tente montée on se réfugie à l'intérieur, on est congelés car avec la disparition du soleil arrive la grand froid. Ici ils annoncent autour de 0-2°C cette nuit mais c'est bien humide. On se lave très rapidement "parce qu'il faut bien" (surtout après plus de 80 km de vélo) mais sans grande conviction tellement il caille. Les nouilles chinoises brûlantes sont bien appréciables. On se sent un peu barges mais contents d'avoir parcouru cette distance, un lendemain de grosse étape, de dormir dans un lieu hallucinant, bref un mélange de "mais qu'est-ce qu'on est en train de faire comme conneries" et de "bah en fait malgré des conditions déplorables on s'en sort très bien". On fait quand même le constat que ni l'un ni l'autre ne nous sentons encore à l'aise pour aller sonner chez les gens pour se faire héberger. Il y a un mélange de sentiments autour de ça : mendicité, barrière de la langue, peur, honte, insécurité (en vrac hein) qui font qu'on a vraiment du mal. Je ne sais pas si on osera d'ici la fin du voyage, probablement pas et ça n'est pas forcément un but mais notre discrétion et volonté de maitriser un peu le voyage fait qu'on ne l'envisage pas trop. Déjà que j'ai du mal à aller demander de l'eau dans une station service (Hélène y arrive beaucoup mieux et c'est depuis plusieurs semaines notre principal lieu de ravitaillement), alors "dormir chez vous" c'est pas pour aujourd'hui.

221è jour : Kirkgoz - Silivri

19 novembre 2011

66,6 km, 9506 km au total

Bon ben on s'est partagé la nuit : moi j'ai dormi comme un bébé avec les bouchons pendant qu'Hélène veillait et ne fermait pas l'œil de la nuit... enfin presque. Ca fait bizarre de se lever quasiment au milieu de camions. Notre coin était plutôt bien planqué mais vraiment près de tout. On ne traine donc pas trop pour nos ablutions matinales et repartir.
Nouvelle journée sous le signe de l'oscillation d'altitude. Rien de plat, pas de gros relief mais toujours ces montées descentes qui cassent un peu les pattes. En se fiant aux panneaux d'indications kilométriques on contourne Corlu car on en déduit que le supermarché indiqué sur un panneau sera après la ville (ville à 8 km, supermarché à 16). Le compteur affiche 12 km et on est à peine à la hauteur de la ville, ça complique nos plans. Grosses interrogations existentielles : continuer sur le "périph" au risque de contourner le supermarché ou repiquer dans le centre, 90° droite pour s'assurer de passer devant... on choisit la seconde solution, ce qui outre nous rallonge nous emmêle aussi passablement dans les petites ruelles, routes à sens uniques... on n'a pas de plan, le GPS ne connait pas la Turquie en dehors des autoroutes et des très grosses villes, on a juste quelques cartes Google Maps relief téléchargées dans l'iphone mais avec un niveau de précision très limité. On se pose par moments pour regarder l'iphone et vérifier si on a du wifi, au bout de 5 secondes 3 personnes sont autour de nous, au bout d'une minute il y en a 10, à 1 mètre du vélo, à zieuter sans aucune discrétion, à discuter entre eux (en turc forcément), à rigoler... parfait pour que ma coéquipière se sente à l'aise... :-) On repart donc, le nez dans le vent, gauche, droite, droite, re-gauche, là oui, la grande rue, parfait.
On finit par trouver notre supermarché un micro poil avant la sortie de la ville, au moins on se rassure en se disant que si on avait continué notre périph on serait passé à 500 mètres de la grande surface sans la voir (sauf si c'était indiqué).
C'est donc Kipa qui régla aujourd'hui. Marrant comme nom d'enseigne pour un pays qui côté religion affiche 98% de musulmans. On découvre que c'est une branche du groupe Tesco qu'on a déjà pas mal cotôyé en Pologne ou en Angleterre. C'est toujours un moment sympa que le premier supermarché d'un pays on perd donc énormément de temps à arpenter les rayons, je finis par abandonner Hélène qui essaye de choisir des sticks de cafés au lait au sucre au caramel ou de chocolat à la noisette à la crème. On se retrouve par contre au rayon des pâtisseries "fraîches" et on fait la razzia. La vendeuse ne parle pas un mot d'anglais mais les nombres sur les doigts d'une main et l'index de l'autre qui pointe ce qu'on veut, c'est international :-) "2 de ça et puis 4 de ça..." On ne peut pas tout prendre mais on se lâche sur les dérivés des baklavas. Quand on repart il est très tard, et pourtant on a de la route à faire.
On se pose dans un traditionnel champ pour déguster un sandwich avec un pain type pita très bon même froid, un genre de pastrami bizarre et en guise de salade du caviar d'aubergine. C'est luxe et bien bon. Ah oui c'était un peu la surprise (sans en être une) : côté charcuterie de porc c'est pas la joie... logique. Nos dégustations se poursuivent donc avec les pâtisseries, très bon sans pour autant surpasser notre baklava de Silistra qui reste notre référence.
On ne traine pas trop histoire de pouvoir avaler quelques nouvelles dizaines de kilomètres. Le relief continue toujours a ne pas être clément mais le bonheur est grand quand on aperçoit la Mer Méditerranée. D'ailleurs quelques minutes après cette chouette découverte un connard en voiture vient se garer sur "notre" bande d'arrêt d'urgence à 30 mètres devant nous... pff, bon ben on se déporte et on se rabat, n'importe quoi. Quelques secondes plus tard elle nous redouble et cette fois se gare un peu plus loin... ah tiens c'est pour nous. Un mec sort côté passager avec une carte genre "indigne de police"... hum je ne sais pas pourquoi mais je flaire le plan foireux. Il vient nous saluer, nous demande où on va, veut voir nos passeports, je lui ouvre le mien direct à la bonne page et montre la carte d'identité d'Hélène, pas besoin d'en faire trop... j'aimerai bien garder le passeport à la main mais il le prend quand même... je n'aime pas ce genre de situation où tu files un document de ce genre à un illustre inconnu qui pourrait avoir une carte de police imprimée sur son imprimante à la maison que tu ne ferais pas la différence. Voiture pourrie banalisée, pas d'uniforme, louche.
Il nous pose pas mal de questions du type "vous n'avez pas de drogue, de cannabis ?" A quoi ça rime ??? qui irait répondre "sisi j'ai ça là". Question suivante pendant qu'il farfouille un peu dans ma sacoche de guidon (mais faut-il le laisser faire ou s'insurger ???) "vous n'avez pas de faux billets ?". Hum je n'aime pas ça, il veut voir notre liquide, je lui répond qu'on n'en a pas, qu'on n'a qu'une carte de crédit (ce qui est faux vu qu'on a tiré du cash hier, mais ça ne peut pas être de faux billets vu qu'ils viennent directement d'une banque qui a pignon sur rue). Il laisse tomber, rentre dans sa voiture et repart. Alors là qu'en penser ? Vrai flic ou plan "je t'embrouille tes billets sous couverts que ce sont des faux" ? On ne saura jamais mais ça nous interpelle beaucoup sur la conduite à tenir face à ce genre de situation. Face au côté officiel de la police il vaut mieux éviter les provocations, je me vois mal dire "désolé mais votre insigne ne signifie rien pour moi, je n'ai aucun moyen de vérifier si c'est un vrai ou un faux donc allez vous faire voir"... mais en même temps dans ce genre de situation il est extrêmement facile de se faire dépouiller. Je veux dire il partait avec nos pièces d'identités pour "une simple vérification" et repartait dans sa voiture... ben on était bien dans la me*de. Il les amenait dans sa voiture et revenait les mains vides en nous disant "il y a un problème c'est 100 euros pour les récupérer" que pouvait-on faire ? Voilà, si les voyageurs qui ont été confrontés à ce genre de situation ont des conseils, on est preneurs.

En fin d'après-midi on se prend une montée bien raide le long de la côte, elle n'en finit pas pendant que notre bande d'arrêt d'urgence - qui fait office de piste cyclable depuis qu'on a mis les roues en Turquie - elle, disparait. On se fait frôler par les camions, bus et autres automobilistes pressés, pas super agréable. Vers 16h15 alors qu'on désespère de trouver un coin bivouac on oblique vers la mer pour tomber dans les petits lotissements balnéaires vides. Le tandem est partagé. Pour ma part je me vois bien squatter un jardin d'une maison inhabitée ou un des terrains non encore construits mais Hélène ne le sent pas. On fait pas mal de petites rues sans rien trouver. Dommage il faut remonter sur la route principale et reprendre la recherche. Les minutes passent, après 2 tentatives infructueuses (la première trop "visibles" et la seconde trop "heu mais c'est un squat ce truc") il faut nous rendre à l'évidence : l'hôtel est notre seul salut. Alors déjà il faut en trouver un et surtout il est 16h45, l'heure exacte où le soleil passe derrière l'horizon. On s'arrête donc au Vista hôtel, ça semble chic, bien trop pour nous et on se verra donc délestés de 45 euros. Pas de wifi (grrr) mais une douche chaude et un personnel charmant qui prend en charge nos bagages et nous apporte un thé dans la chambre. Le petit dej est également compris (pas moyen de négocier son absence car on a déjà tout ce qu'il faut). On dine donc dans la chambre, j'adore ce petit moment qui a un goût de fraude : allumer le réchaud à gaz sous le détecteur de fumée pour préparer ses petites nouilles.
L'absence de wifi est bien dommage car on a un souci à régler : nos demandes de couchsurfing à Istanbul ont été rejetées, on n'a plus le temps d'en lancer d'autres et il faut donc qu'on se replie sur un hôtel ou - comme on préfèrerait - la location d'un petit appartement où on pourra faire notre popote tranquille et idéalement laver notre linge dans une machine. On a mandaté notre équipe préférée de choc en France pour la recherche à distance de l'endroit idéal mais avoir du net pour mettre tout ça au carré ce soir aurait été une bonne chose. Une nouvelle fois on a ce flottement qu'on n'aime pas trop : où dormira t'on demain soir en pleine ville. Tiens d'ailleurs histoire de le préciser pour ceux qui étaient un peu près du radiateur lors du cour de géo sur le sujet, Istanbul est la plus grosse ville de Turquie et la capitale "économique", mais la capitale administrative du pays (+ de 70 millions d'habitants quand même), c'est Ankara.
Après le diner on recharge nos bidules électroniques autour d'une petite tisane, dans une ambiance à 22°C où on y voit tout autour de nous et non pas dans un rayon de 30° à 50 cm, ça nous change ! Mais il ne faut pas non plus perdre les bonnes habitudes et se coucher tôt reste nécessaire. On a néanmoins un peu de rab car demain pas de tente à plier et de toute façon le petit déjeuner n'est pas avant 7h30... donc ça ne sera pas un réveil à 5h50 comme ces 7 derniers jours...

222è jour : Silivri - Istanbul

20 novembre 2011

64,1 km, 9570 km au total

Wow la nuit de dingue. On avait oublié de nous préciser que dans notre hôtel 4 étoiles il y avait une discothèque, à moins que ce ne soit juste la sono de la salle de resto mais en tout cas on a eu de la grosse musique électronique turque jusqu'à 2 heures du matin. Même avec les bouchons il a été bien difficile de fermer l'œil ! Rude.
A 7h30 tapante on est néanmoins à l'ouverture du petit déjeuner, on est seuls dans la salle, c'est royal. Petit déj de luxe avec omelette, olives vertes et noires, concombre, tomates, fromage, beurre et confiture. On demande du rab de thé/beurre/pain et le serveur revient avec la dose familiale et un sourire qui laisse comprendre qu'il est au courant du fait qu'on est des grands voyageurs.
On découvre qu'il y a du wifi dans la salle donc on fait le point hébergement. Pour les locations d'appart visiblement c'est mort, on se trouve donc une petite guesthouse dans le centre à tarif tiré... et on réserve en ligne, 4 jours, en espérant que ça ne soit pas trop pourri... et en se motivant pour faire la lessive à la main.
On décolle du coup plus tard que d'habitude avec un trajet Google Maps estimé à 61 km... pas rien non plus. La route n'est pas du genre agréable. On sent qu'on rentre dans l'île de France... enfin qu'on approche la périphérie parisienne... d'Istanbul... bref vous m'avez compris. Sauf que sur notre 2x2 voies habituelle on trouve désormais régulièrement une troisième voie, plus une autre route plus petite à notre droite qui dessert les usines, centres commerciaux et autres joyeusetés du même genre, le tout entremêlé de bretelles dans tous les sens, souvent sans aucun marquage au sol et avec des gens qui ont un comportement parfois hallucinant. On verra en l'espace de 10 bornes une personne rouler en contre sens sur la bande d'arrêt d'urgence et une autre faire une marche arrière sur la route... du grand n'importe quoi. Pendant ce temps là nous on se faufile à 50 km/h dans ce grand bazar... ou (plus souvent d'ailleurs) on se fait frôler en permanence quand on essaye de grimper ces pu%$ins de côtes à 7 km/h. Le relief nous rappelle le Danemark mais en pire. Déjà parce qu'on a le vent en pleine tronche et surtout parce que nous passons notre temps à descendre au niveau de la mer pour s'enquiller ensuite une bonne grosse côte jusqu'à 100 ou 150m d'altitude. Pas grand chose mais la répétition et le degré de la pente nous usent à petit feu.
Vers 11h, perdus dans le flot de voitures, camions et bus en tous genre, un vélo émerge derrière nous, le premier qu'on voit en Turquie je crois... ah non c'est vrai on avait vu celui d'Oguz, mais il était dans sa camionnette :) Ah ben tient justement vous n'allez pas le croire, mais c'est lui !!! Le seul cycliste turc on le voit 2 fois en 3 jours !!!
On s'arrête et on découvre que c'est bien nous qu'il cherchait. Il est parti d'Istanbul où il vit le matin et est allé à notre rencontre. Il savait (via notre site) où on était la veille au soir et a donc estimé que ses chances de nous croiser étaient bonnes. Dans son sac à dos un dictionnaire turc-français, il est parfaitement organisé pour la chasse aux tandémistes :)
Son but était de faire des petites vidéos de nous en roulant, comme il nous en avait montré d'une course à Istanbul il y a 3 jurs. il a d'ailleurs un petit support pour son appareil photo sur son guidon, sympa.
On repart donc avec un peu la pression. Il veut nous accompagner, à priori jusqu'au centre. On a encore 30 bornes à faire sur notre tank chargé ras la gueule (même si on a été light en eau étant donné notre "non bivouac" ce soir). Sur son vtt ultra light c'est forcément plus simple pour lui. On passe donc devant et il nous suit et nous filme tranquillement. On espère qu'on pourra voir et vous faire voir la vidéo un de ces 4. Vers 12h30 on est encore trop loin pour pouvoir rejoindre le centre sans donner à mon estomac une sérieuse collation. On explique ça à notre nouvel ami qui ne s'en offusque pas et nous accompagne. J'en profite d'ailleurs pour vous dire qu'il ne parle quasiment pas un mot d'anglais ni de français et que la compréhension est très difficile, mais il a un atout dans sa poche : un téléphone portable avec à l'autre bout du fil un de ses copains steward qui parle bien français et turc... et qui fait le traducteur pour nous à un nombre certain de reprises. Bref on s'apprête à partager nos sandwiches quand Oguz fait un petit aller/retour express on ne sait pas où et revient avec des croques-monsieur chauds et des boissons aux fruits. C'est super super gentil. Après notre flic bizarre d'hier ça change du tout au tout. Encore une fois il faut avoir confiance en la nature humaine... Qu'est-ce que c'est bon d'avoir quitté Paris et les gens qui font la tronche dans le métro en percevant tout geste à moins d'un mètre d'eux comme une tentative d'agression et/ou de pickpocket (et malheureusement j'en fait (faisait ?) partie). Qu'est ce que c'est bon de s'asseoir sur une table de pique-nique et partager de la nourriture avec un inconnu, qui ne parle pas notre langue mais qui veut juste passer un moment sympa avec nous et réciproquement. Bref on est aux anges.
On abrège quand même le repas (les pâtisseries turques restant d'hier et le thé/café seront pour plus tard) pour se remettre en selle pour la quinzaine de km restants. On quitte enfin la D100, route de la mort (et encore il y a une autoroute un peu plus au nord) pour la route de ceinture (par le sud), le long de la côte. Par moments ça reste de la 2x2 mais globalement c'est plus zen. Il y a plein de grands parcs, la mer, c'est tout de suite plus agréable. On finit enfin par arriver dans le vieux centre d'Istanbul, pas de panneau d'entrée dans la ville à se mettre sous la dent, tant pis on fera avec... enfin plutôt sans. Oguz nous guide jusqu'à notre petit hotel qui s'annonce "normal" en rapport de son prix : un peu près d'une ligne de train, on est au rez de chaussée (parfait pour rentrer le tandem dans la chambre) mais beaucoup moins sympa car ça donne sur la réception, l'escalier, la porte d'entrée... bref pour le calme on repassera. Pour les étrangers au concept de guest house, imaginez une grande maison dont l'entrée serait le hall d'accueil et chaque pièce de la maison une chambre individuelle. Alors certes c'est aménagé de manière à ce que chacun ait ses toilettes/sdb et surtout son accès privé sans passer par la chambre de quelqu'un d'autre, mais côté isolation phonique on est plus proche de la grande sœur qui dérange son petit frère en écoutant Take That dans sa chambre que de l'hôtel 5 étoiles avec double mur entre chaque "suite". En tout cas vive les bouchons. Impensable d'envisager un voyage de ce genre sans un loup et une paire de bouchons.
On laisse Oguz vaquer à ses occupations non sans avoir planifié une prochaine rencontre, mardi matin, mais cette fois avec son ami qui parle français (et qui fait du vélo lui aussi) histoire de partager un peu plus et qu'ils nous donnent des conseils car on sent qu'ils en ont autant envie que nous.
Après une bonne douche (diantre, que nous avons transpiré, c'est marrant comme quand on a un peu la pression on roule plus vite, se fatigue plus et transpire beaucoup plus), donc après la douche nous descendons 2 bols de thé pour nous réhydrater un peu (et quelques patisseries)... en constatant que côté télé il va falloir qu'on se mette au turc si on veut apprécier quelque chose. Il y a pourtant un satellite et tout le bardas numérique mais même pas une chaine musicale internationale pour se faire marteler les tubes du moment.
On sort à la tombée de la nuit (ça nous change de d'habitude, un genre de revanche il faut croire) pour s'imprégner un peu de l'atmosphère de la ville et essayer d'y comprendre quelque chose. Istanbul c'est entre 13 et 16 millions d'habitants (selon la police ou les manifestants :-), ça relègue Paris loin derrière. Alors côté quartiers c'est un peu comme demander "c'est où le centre de Paris ?" il y a quand même un centre un peu plus vieux et touristique que les autres, c'est la partie sud-est de la rive européenne. C'est donc par là que nous partons découvrir les extérieurs de quelques mosquées et rues touristiques/commerçantes/bazardesques/... avec le soleil qui se couche c'est magnifique et ça nous plonge dans un dépaysement total. Vraiment jusqu'à cette sortie le seul dépaysement notable par rapport à nos dernières semaines c'était les mosquées... là d'un seul coup c'est totalement différent, les mosquées elles sont quasiment à tout-touche, il y a des palmiers, les salons de thé, le narguilé, les petites échoppes qui vendent du Adidas moins vrai que nature à la pelle, tiens madame, tu veux du parfum, j'ai Harmani, Hubo Gosse, Nana Richie... On se trouve un plan dans un office du tourisme en même temps qu'on constate qu'ici tout est ouvert tout le temps. On est dimanche il est 17h passée et... ben rien de spécial, on serait mercredi à 15h ça serait pareil.
On réfléchit à notre diner, Hélène n'exprime pas une grande volonté de rentrer à l'hôtel manger les pâtes initialement prévues, donc on s'oriente vers un petit resto. Ceux de la grande rue (Divan Yolu Cd) sont chers et touristiques, quand aux petites rues perpendiculaires elle reflètent exactement ce qu'on exècre dans la restauration : les petites tables bien rangées au cordeau, vides avec un rabatteur devant qui alpague les passants dès qu'ils posent le moindre regard sur le resto ou la carte. Bref il est temps de penser plan B... celui qu'on n'aime pourtant pas trop : sortir le guide (en l'occurrence le petit futé, celui qui nous a donné nos pires déconvenues) pour trouver une adresse dans la section "bon et pas cher". Direction donc Doy-Doy. Forcément trouver la rue sur notre plan s'avère mission impossible et les indications pour s'y rendre "à gauche de la grande mosquée blabla", encore quelqu'un qui est resté lui aussi trop près du radiateur lors des cours de géo. Les points cardinaux c'est fait pour les chiens ? Alors qu'on croise les données petit futé/plan papier/Google Maps et même une autre application de plans sur l'iphone, un monsieur vient nous donner un coup de main. On discute un petit moment (forcément on parle de notre périple), c'est très sympa même si en cet instant mon naturel rejoint les conseils du guide lus quelques jours plus tard "attention aux plans foireux du genre, on fait ami-ami, je t'invite prendre un verre et finalement c'est toi qui paye, une fortune au passage et moi je touche ma commission pour avoir rabattu un pigeon". Bon on termine notre discussion dans la bonne humeur, comme pour le flic de l'autre jour, on ne saura pas. Il nous a bien dit qu'il avait une boutique qui vendait des articles de cuir et qu'il fallait qu'on y passe pour qu'il nous file une carte de visite (ce qu'on a décliné sous couvert de "on voyage à vélo on ne peut rien transporter")... bref on repart avec des indications plus précises pour notre petit resto.
10 minutes plus tard nosu rentrons donc chez Doy-Doy. Miracle ça existe, il est ouvert, exceptionnel ! Un resto d'un guide qui est toujours là. Ca nous rappelle une discussion avec Mathilde qui rejoignait totalement notre expérience sur le concept des restos dans les guides : jamais mis à jour et au passage la notoriété apportée par le ou les guides (qui se copient bien souvent) font que les prix sont très différents (un plat à 16 YTL dans le guide 2010-2011 est en réalité à 20 YTL), et au passage dans la durée la qualité de la nourriture et du service a tendance à baisser car la fournée de touristes est en permanence renouvelée. Enfin bref, testons quand même.
Pour la première fois depuis 8 mois (tada, aujourd'hui ça fait exactement 8 mois qu'on est partis) on peut sereinement commander un KEBAB. On en a vu partout partout depuis notre départ, on n'en a pas mangé un seul jusqu'à présent pour se réserver pour ce jour précis (et les quelques suivants quand même). Je me lance sur un Kebab à base de bœuf pendant qu'Hélène tente un kébab (de mouton) "baked", comprendre "cuit enroulé dans un genre de pita". De mon côté la viande est bonne mais l'ensemble un peu triste et bourratif, par contre celui d'Hélène est excellent. On accompagne le tout de thé (oui encore) puis d'eau pétillante pour faire passer... les pâtisseries orientales... forcément... oui des baklavas et aussi un gâteau uniquement à base de vermicelles et de miel. Basique mais bon. Tiens d'ailleurs pour ceux qui commenceraient à en avoir mare de nous entendre parler de baklava sans savoir ce que c'est, c'est ça : https://www.google.com/search?hl=fr&lr=lang_fr&q=baklava&gs_sm=e&gs_upl=639507l641243l0l641479l7l6l0l0l0l0l430l1263l0.1.1.0.2l4l0&bav=on.2,or.r_gc.r_pw.r_cp.,cf.osb&biw=1322&bih=611&um=1&ie=UTF-8&tbm=isch&source=og&sa=N&tab=wi
Il n'est pas tard quand nous ressortons mais la fatigue mauvaise nuit+vélo+marche à pied commence à se faire sentir. Hélène se renseigne un peu pour quelques tarifs de hammam sans grande conviction, ça s'annonce compliqué pour trouver un truc pas 100% touristique hors de prix mais pas non plus trop "local" du genre par un mot d'anglais et intimité difficile à gérer pour une française... à étudier.
Retour donc à l'hôtel pour se reposer, écrire, traiter les photos... ah tiens Hélène s'est endormie...
Pour finir sur une petite note geek : visiblement en Turquie on ne surfe pas sur n'importe quel site... je tente un tour sur le site de Mathilde et Mathieu de Varna, et je me prends un message comme quoi les sites "sites.google.com" sont bloqués en raison d'une décision gouvernementale blabla de 2009 ! impressionnant, voilà donc un autre visage de la Turquie.

223è jour : Istanbul (jour off)

21 novembre 2011

0 km, 9570 km au total

Après une nuit tout à fait correcte nous découvrons le petit déjeuner inclus avec la chambre. C'est un buffet dont l'esprit ressemble à celui de notre hôtel précédent : pain blanc, concombres, tomates, charcuterie, olives vertes et noires, fromage, mais aussi du sucré : petit pain brioché au sésame, miel, confiture... bref ça nous va très bien.
On décolle ensuite direction la mosquée Sultanahmet, dite mosquée bleue. On en prend plein les mirettes, les photos parleront probablement mieux que ce que je peux décrire. On s'approche de "Haghia Sophia" une autre mosquée qui a priori doit être convertie en musée mais c'est fermé le lundi. On s'oriente donc vers le palais Topkapi dont on découvre les jardins et l'entrée sans se décider pour aller visiter l'intérieur (payant, assez cher). On en discutera avec nos 2 amis demain pour avoir leur avis.
Direction ensuite le marché aux épices. On fait tout à pied car les rues sont quasi impraticables en vélo : relief violent, monde fou dans tous les sens, bref peut-être qu'on prendra le tandem pour aller de l'autre côté de la corne d'or (le bras de mer au nord de la vieille ville) mais dans l'immédiat à pied c'est beaucoup plus pratique.
Le marché est déconcertant : tout ce qu'on a pu voir à la télé sur ce type de marché. Genre souk marocain dans tout ce qu'il y a de plus oppressant pour des français un peu réservés. "Salut mon ami, viens, regarde, j'ai des loukoums, tu veux des épices, du thé, tiens goûte des pistaches, c'est gratuit..." Le concept du "je regarde juste" n'a pas sa place ici. C'est dense, compact même, avec beaucoup de monde en ce lundi matin de fin novembre, on n'ose même pas imaginer l'été !!! On arpente les allées du marché, regarde un peu les prix (quand ils sont affichés) mais même si c'est d'un dépaysement total ça n'a rien de reposant.
Après avoir repris un peu l'air on plonge dans le second marché : le grand bazar. Mais avant un petit stop "plein de calories" s'impose et on goûte donc un autre kebab, au mouton cette fois, dans une petite "échoppe" sur le bord du bazar. C'est calme et on mange correctement sans que ce soit exceptionnel... jusqu'à présent mon référentiel "Grill Aspendos" 126, rue de Faubourg Saint Denis dans le 10è arrondissement de Paris où j'ai déjeuné des dizaines de fois (peut-être des centaines en fait quand j'y repense... disons 3 fois par mois pendant 10 ans de boulot... ah oui quand même !) n'est pas égalé... Au passage pour ceux qui penserait qu'Aspendos sonne plus grec que turc, c'est ici l'Aspendos "original" : http://maps.google.fr/maps?q=aspendos&hl=fr&ll=36.93871,31.172333&spn=0.002294,0.005048&sll=41.037453,28.99682&sspn=0.002165,0.005048&vpsrc=6&hq=aspendos&t=h&z=18
On s'attaque donc ensuite à ce fameux grand bazar. Imaginez un quartier entier de petites ruelles, couvertes et blindées à craquer de micro échoppes de bijoux, vêtements, objets d'antiquité, cafés... la folie. L'idée c'est vraiment de se perdre à l'intérieur, d'errer, de tourner là où on bon nous chante, de toute façon à chaque angle il y a une nouvelle ruelle pleine de boutiques du même genre. On ne sait pas trop quoi en penser, là encore on ne se sent pas à notre place, on finit par ignorer les approches/monologues des marchands "miss, j'ai des boucles d'oreilles parfaites pour toi, regarde, elles vont t'aller super bien, tu préfères les colliers, j'ai des bracelets aussi". Avec les kebab tous "le meilleur d'Istanbul, propre, que des choses fraiches, bien cuisinées, très bon, regarde j'ai du mouton, du poulet si tu préfères, choisis la viande que tu veux je m'occupe du reste et tu prends quoi comme boisson pour aller avec..."
rhaaaaaaa. Laissez nous tranquilles !!! on regarde juste. "on fait hammam, gommage, savon noir, massage complet du corps à la mousse, réflexologie, c'est très propre, monsieur peut venir aussi on a..." MAIS STOP !!!
Ah le choc des cultures. On est contents d'être là en touristes et on pourrait facilement imaginer qu'un expatrié pète les plombs rapidement s'il devait vivre ici. Moquée-kébab-bazar il y a de quoi devenir fou. "Regarde j'ai des chaussures Adidas, j'ai aussi des sweet shirts Adidas, et Nike, aussi, il te faut un pantalon Dolce Gabana j'ai des sacs Vuitton, tout ce qu'il te faut..."
La tête comme une pastèque on s'arrête dans un petit salon de thé manger quelques pâtisseries (on poursuit l'étude scientifiquement :-) Alors les petits roulés verts à la pistache c'est bof (gras mais pas assez sucré) et on déguste un jus de grenade frais, rafraîchissant mais aussi assez astringent. Il ne nous reste plus qu'à rentrer à l'hôtel pour s'effondrer un peu autour d'un thé modèle XXL pour s'hydrater un peu. On a marché comme des dingues, on a mal au crâne, la soirée s'annonce repos/diner dans la chambre.

Dans un tout autre genre, lu ce matin dans mon "rattrapage d'infos sur le web" (merci Stéphane) :
On a demandé au Dalaï-Lama: "Qu'est-ce qui vous surprend le plus dans l'humanité?"

Il a répondu: "Les hommes... Parce qu'ils perdent la santé pour accumuler de l'argent, ensuite ils perdent de l'argent pour retrouver la santé. Et à penser anxieusement au futur, ils en oublient le présent de telle sorte qu'ils finissent par non vivre ni le présent, ni le futur. Ils vivent comme s'ils n'allaient jamais mourir... et meurent comme s'ils n'avaient jamais vécu."

224è jour : Istanbul (jour off 2)

22 novembre 2011

0 km, 9570 km au total

Hier j'ai décrit en détails les impressions bizarres que nous ressentions, cet inconfort du "contact turc", appelons ça le "mon ami", car même si tu ne connais pas la personne c'est ton ami. Aujourd'hui abordons l'autre face d'Istanbul et probablement de la Turquie en général : le fait que tout le monde soit "mon ami" c'est aussi très positif, allez je vous raconte.
Ce matin nous prenons le petit déjeuner et discutons du mieux que son anglais le permet avec la jeune femme qui s'occupe de la nourriture et du nettoyage des chambres. Vient s'y joindre le gérant "de nuit" de la guesthouse (Eugene si on a bien compris et qu'on l'écrit correctement) qui finit sa journée et qui parle parfaitement anglais. C'est pour nous l'occasion de découvrir Istanbul différemment, d'avoir des avis, des opinions sur telle ou telle chose, la culture, les habitudes... on adore.
Oguz nous prévient qu'il ne sera pas à 9h ici mais vers 10h20. Premier réflex "parisien" : ah pas cool ça va un peut "niquer" la journée s'il arrive si tard. Mais heureusement le 2nd réflex voyageur arrive instantanément : mais on est très bien ici à discuter, pourquoi se presser à aller arpenter le pavé coûte que coûte alors qu'ici on en apprend beaucoup et surtout différemment. On reste donc à papoter, on est bien, on profite. Un moment très agréable. Eugene nous invite ainsi qu'un couple de norvégien à passer la soirée ensemble dans un resto et bar avec une super vue sur Istanbul. On ne se prononce pas car on n'a pas trop d'idée du programme du jour mais on est assez ouverts.
Oguz arrive, il est venu en train et non pas en voiture et a visiblement toute la journée pour lui. Pendant qu'on se lave les dents et finit de se préparer en vitesse, Oguz et Eugene ont déjà sympathisé et échangé leurs numéros de téléphone. Après quelques traductions nous partons seuls avec Oguz, son français très très basique et notre turc inexistant... autant dire une grosse barrière de la langue, mais de chaque côté une volonté d'enfer de communiquer.
On prend le tramway pour Taskim, la partie au nord de la corne d'or qui est plus "moderne" que le vieux centre. Oguz nous fait profiter de sa carte de transports, il faut dire qu'ici c'est assez évolué : ils ont tous une carte magnétique rechargeable et à chaque trajet on est débité du prix d'un ticket. Une personne peut passer 3 fois sa carte pour en faire profiter ses amis. On découvre la gentillesse turque : outre le fait qu'Oguz insiste pour payer (on a tout essayé impossible de sortir une lire) il passe son pass en échange de l'équivalent en monnaie pour aider les gens qui n'ont pas de carte ou pour qui c'est compliqué de la sortir. Exemple (un peu plus tard dans la journée) : un homme chargé comme un mulet de sacs plastiques attend à l'arrêt, il file 2 lires à Oguz avant de monter, prend ses sacs et c'est Oguz qui gère le passage de son pass 2 fois (enfin 4 avec nous) pour payer le bus.
Nous découvrons aussi la proximité des gens : l'homme d'Europe de l'ouest et du nord est un grand timide et probablement aussi très orgueilleux. Demander son chemin à quelqu'un ? Pas avant d'avoir épuisé toutes les autres solutions. J'en suis un parfait spécimen même si j'essaye de me soigner. Capable de passer 10 minutes à chercher du wifi pour avoir Google Maps qui me calculera un trajet quand Oguz va voir le fleuriste de la sortie du funiculaire pour lui demander si c'est loin tel ou tel endroit. Toute la journée sera sous ce signe : nous rentrons dans toutes les librairies que nous croisons pour essayer de trouver une carte de Grèce (notre prochain pays sur la liste) et alors que moi je fais un panoramique sur 360° pour repérer les cartes et les guides de voyage, lui va droit vers l'employé du magasin pour lui demander. Le tout avec les formules de politesse qui vont bien et la petite discussion sur on ne sait quoi au passage. "mon ami" prend tout son sens. On n'est pas amis au sens français mais on s'entraide énormément.
Après avoir pris le funiculaire pour monter en haut de la bute (Istanbul est tout sauf plat) nous atteignons le pied de la Galata Tower, une tour de garde qui a en fait plutôt servi d'entrepôt pour la Marine si on a bien compris :-) On prend l'ascenseur, puis quelques volées de marches pour découvrir une vue à 360° sur la ville. Magnifique malgré le contre-jour sur la vieille ville.
Nous arpentons ensuite la grande rue commerçante qui ressemble beaucoup plus à une capitale européenne : Virgin, Darty (oui oui), Sephora... mais aussi toujours pas mal de kebab et de petites boutiques. Très sympa avec le vieux tramway qui passe au milieu. On y trouve même le consulat grec où on fait un saut pour tenter de trouver une carte (sans succès).
Au bout de la rue principale, "Taksim" une grande place qui commémore la création de la République turque.
Nous enchaînons avec un nouveau funiculaire qui redescend la bute vers le nord-est le long du Bosphore et découvrons le palais Dolmabahce, enfin son entrée avec une garde à l'anglaise et des bâtiments splendides. C'est impressionnant.
Nous revenons sur Taskim pour déjeuner dans ce genre de petits endroits qu'on affectionne, vous savez le style cantine, "bar à lait" où on trouve 90% de locaux plutôt que de touristes. Oguz insiste encore pour payer alors que nous avions dit que plutôt ce matin on paierait le déjeuner. Il nous autorise seulement à payer le thé qu'on planifie de prendre un peu plus tard dans l'après-midi !
Au programme du déjeuner donc, pour Hélène : soupe et jarret d'agneau (un de mes péchés mignons, délicieux d'ailleurs à l'Aspendos dont je parlais hier, par contre il faut tomber le bon jour car ça n'est pas à la carte mais seulement certains jours), je mange des tomates et poivrons farcis, une salade de pommes de terre/persil/aneth. On reste sur nos pâtisseries traditionnelles... faudra qu'on se désintoxique avant de quitter la Turquie, ça va être difficile.
On prend ensuite le bus pour rejoindre le quartier Pierre Loti, réputé pour son amour de la Turquie et des mœurs turques. Le quartier est situé un peu à l'ouest et offre une vue imprenable sur la corne d'or. Pour le rejoindre nous empruntons un téléphérique. Le soleil se couche et nous offre des couleurs changeantes magnifiques qui ne rendront probablement pas grand chose en photo, mais nous on était là et en cet instant, une fois de plus on repense aux petites phrases sur le fait d'oser. (cf message de la maman d'Hélène autour du 17 novembre si je me souviens bien). On repense aussi à ce film à la fois drôle mais profondément intéressant/marquant : Yes Man. Si vous ne l'avez pas vu, je vous incite fortement à le regarder. C'est l'histoire d'un homme qui a une vie d'un ennui mortel qui décide (je ne sais plus exactement pourquoi) de dire "oui" à toutes les propositions qu'on lui fait. Ca dérive forcément rapidement mais même ruiné ("tu peux me donner ton argent ?" -> "oui"), crevé à force d'accepter toutes les propositions de sortie, il ressort surtout qu'il a désormais une vie remplie, riche, une vie qu'il vit vraiment.
Donc bref on repense à ces petites choses, ces petits choix qu'on fait qui nous amènent ou nous à la possibilité de vivre des moments géniaux. En cet instant de coucher de soleil on remercie Oguz sans qui on ne serait pas là en ce moment parce qu'on n'aurait pas eu l'idée d'y aller. Mais la rencontre d'Oguz, le fait de discuter avec lui le jour où il a arrêté son camion sur le bord de la route, le fait de lui donner notre carte avec l'adresse du site, de ne pas craindre qu'il aille nous dénicher au fond de notre lieu de bivouac pour nous piquer un rein avec son équipe de terroristes médicaux, le fait de lui proposer une nouvelle rencontre lors de sa venue à notre arrivée sur Istanbul, ... bref toutes ces petites choses ne sont pas que du hasard mais une somme de choix, de décisions, notamment celles de laisser quelqu'un entrer dans votre vie, d'accepter aussi de ne pas avoir 100% des choses sous contrôle.
Ce matin avant son arrivée à l'hôtel on pouvait avoir la pensée suivante : mais qu'est-ce qu'on va faire avec quelqu'un qui ne parle pas 50 mots de français, 0 d'anglais, qu'on ne connait pas, dont on ne sait pas combien de temps il aura à nous consacrer, ni où on ira... mais on a décidé plutôt de penser : et si on se laissait porter par l'instant présent, si on essayait de voir avec lui ce qu'il avait comme suggestions à nous faire pour visiter, si on avisait pour la communication plutôt que de s'en faire une montagne à l'avance... et on a bien eu raison. On remercie notre cousine qui nous a envoyé un petit texto pour nous mettre en garde contre les pratiques parfois abusives de certains turcs, ça nous aide bien sûr à toujours être sur nos gardes sur les choses critiques (vol, agression...) mais on a envie de continuer à avoir foi en l'être humain comme on a pu le constater depuis le début du voyage.
C'est triste et malheureux, mais on raconte beaucoup plus LE cas isolé du touriste enlevé pour se faire piquer un rein ou le couple sauvagement assassiné au fin fond de nulle part... ça arrive, mais c'est avant tout une histoire de probabilité. Les gens sont souvent nuls en probabilités (regardez combien jouent au loto) mais comme on le répète (et qui ne rassure pas nos mamans), on a des milliers de fois plus de risques de se faire écrabouiller par un camion ou pire, toi lecteur tu as beaucoup plus de risque de te faire exploser dans ta voiture par le connard qui a trop bu et quand même pris la voiture, que nous de nous faire embarquer dans un plan foireux de trafic d'organes. Ca n'empêche pas d'être vigilants, c'est même fondamental mais il ne faut pas que ça interfère avec des choix qui amèneraient à passer à côté de moments précieux et géniaux. On a choisi notre côté... et ça n'est pas fini !
Après la vue sur le corne d'or, nous continuons à en profiter encore et encore puisqu'on s'installe à la terrasse d'un café pour boire un thé. D'ailleurs ici ils boivent 10 fois plus de thé que de café alors peut-on encore appeler l'endroit un "café" ? On tente de mémoriser quelques mots de turcs (il nous faut la journée pour nous souvenir de "merci" et prononcer "thé" correctement alors c'est pas gagné pour beaucoup plus). Oguz lui fait beaucoup d'efforts, à grands renforts du dictionnaire on arrive à se comprendre dans les grandes lignes... mais la encore on surestime beaucoup la valeur de la parole. On est en train de passer une journée magique avec un inconnu (qui commence à ne plus trop l'être) avec qui on échange 10 phrases par heure. (ok il faut dire que chaque phrase prend du temps :-)... en tout cas l'attitude, les marques d'attentions qu'on reçoit et qu'on essaye de donner... tout ça a une immense valeur qu'on sous-estime souvent et que les ouest-européens gagneraient à intégrer un peu plus dans leurs valeurs.
Nous rentrons finalement en bus vers le quartier du marché aux épices où nous passons voir une section "bazar du vélo"... oui il y a des bazars de tout à Istanbul. Du Shimano, Trek, Bianchi, bref pas que de la camelote... pour nous c'est toujours aussi opaque de comprendre comment se répartir le vrai du faux dans cette ville mais visiblement la boutique officielle Adidas de Taksim cohabite très bien avec les vendeurs de contrefaçons du bazar un peu plus loin. Tout ça fait partie de l'économie locale et la police n'a pas vraiment l'air d'en avoir quoi que ce soit à faire.
Nous rentrons à pied à l'hôtel, nous avons un peu d'avance sur notre horaire du soir, le temps de prendre un nouveau thé et de faire un peu de google "vue aérienne" pour voir où Oguz habite et montrer où nous on habitait, où on habitera probablement et où notre famille vit.
Je dis "un peu d'avance" car oui, ce soir nous sortons pour un plan "aucune idée" comme j'aime à l'appeler. Après cette journée, on est plus que jamais ouverts à toutes les suggestions. On sait qu'on va dans un café avec une vue, qu'il y aura un autre couple de touristes de la guesthouse et à priori d'un autre hôtel c'est à peu près tout. J'imagine parfaitement la vision "française" de la situation : "ça sent le plan foireux, on va vouloir nous vendre du timeshare dans une construction nouvelle à Istanbul ou encore une fois nous piquer un rein" (avec tous ceux qu'on a risqués ces derniers temps on va commencer à ne plus en avoir trop en rab, faudra qu'on prévienne nos "hôtes" avant). A 19h30 un mini-bus vient nous prendre, nous partons donc avec Oguz, le couple de norvégiens et Eugene. Nous rejoignons un second hôtel où Ali (son tenancier) vient également avec un couple de "français" qui sont en fait un Sud Africain et une Russe :) mais qui parlent français. Où va t'on ? aucune idée. Nous aboutissons dans un petit resto tout simple, aux prix très cheap où nous dinons tous ensemble dans une ambiance excellente. L'anglais, langue internationale nous réunit à l'exception d'Oguz pour qui forcément c'est un peu plus compliqué. Boum encore un préjugé qui tombe : non tous les turcs ne sont pas de mèche avec un resto chic pour y amener des pigeons manger de la m*rde à prix ultra gonflé et pour toucher au passage une commission. Je suis certain que c'est une pratique qui existe, n'importe quel guide touristique vous en parlera, mais il faut aussi parfois faire preuve de bon sens. D'ailleurs notre guide touristique en question nous relatait également le fait qu'il faut trouver le juste milieu entre naïveté et paranoïa. Si même un guide le dit...
Nous allons ensuite dans le bar en question, qui a une terrasse où nous prenons un thé pendant que certains fument le narguilé. C'est l'occasion d'écouter une histoire, celle de Pierre (le sud africain) de passage à Paris. J'ai envie de vous la raconter, parce qu'elle illustre parfaitement ce jeu de "ouvre toi, reste sur tes gardes mais ne fuit pas la moindre situation qui pourrait potentiellement être à risque... au risque de passer à côté de très bonnes choses".
Pierre était donc en voyage à Paris. Il était sur le parvis de Notre-Dame à attendre des amis avec qui il avait potentiellement un rendez-vous. Le deal était "si on n'est pas là passé telle heure c'est qu'on ne viendra pas, ne nous attend pas". Il attend donc un peu et une personne l'aborde, à priori un religieux (il le décrit comme Quasimodo). Ils commencent à discuter, et Quasimodo (ça sera plus simple de lui donner un nom) lui propose de venir voir son appartement qui est tout près, sur l'île de la cité et d'où il a une super vue sur Paris. Premier réflex de Pierre : "hum ça sent le plan foireux". Il trouve donc l'idée parfaite et répond "j'attend des amis, ils devraient être là d'ici quelques minutes, on pourrait y aller ensemble". Quasimodo n'approuve pas trop et lui dit qu'il peut venir seul, que ça sera très bien... Pierre monte donc clairement d'un cran dans sa détection du plan foireux. Quasimodo repart vaquer à ses occupations et Pierre continue à attendre. Les amis ne viennent pas, Pierre va partir mais son regard croise celui de Quasimodo. Ils rediscutent un peu et Pierre est quand même mitigé parce que l'idée d'aller découvrir un "vrai" appartement parisien, dans cet endroit magique avec une super vue, ça le tente vraiment. Il simule un coup de téléphone pour se justifier qu'il n'a que 30 minutes devant lui et accepte l'invitation.
Il suit donc Quasimodo qui l'entraîne dans une petite rue, très sombre, ils rentrent dans une petite cour, un ascenseur minuscule où Quasimodo (2 fois plus encombrant que Pierre) est en contact très proche... gloups. Il ouvre la porte de l'appartement, n'allume pas la lumière (re-gloups) mais va ouvrir la fenêtre et là Pierre profite en effet d'une super vue sur Paris. Moment génial, il n'aurait pas pu en profiter s'il n'avait pas été jusqu'au bout de son idée et avait fui au premier signe d'alarme. Ils s'assoient ensuite sur le canapé pour continuer à discuter, très sympathiquement. A un moment Quasimodo fait remarquer à Pierre qu'il a un bermuda sympa (il répond merci), que ça lui fait un joli bronzage (merci encore), la discussion continue, et à un moment Quasimodo pose un doigt sur la jambe de Pierre. Pierre avait senti le truc venir et ne réagit donc pas en vierge effarouchée et laisse faire. Un peu après Quasimodo pose sa main sur la jambe de Pierre. Ca y est ça va un peu trop loin. Doucement, toujours dans la discussion Pierre prend la main de Quasimodo et la retire de sa jambe. Ils continuent à discuter et puis Pierre indique qu'il va maintenant partir et part. Le tout se passe en douceur. Les intentions de Quasimodo étaient très claires, probablement dès le départ mais Pierre a été au delà du premier signe "plan foireux à l'horizon" et a profité d'un moment sympa, d'une vue sur Paris, de la découverte d'un appartement parisien... chose impossible s'il s'était arrêté à sa première impression. Voilà, c'est aussi le constat partagé par nos "collègues" norvégiens, les problèmes sont bien plus rares que ce que vous voyez à la télé au journal de 20h (encore une fillette assassinée sauvagement), quand ils se produisent ils ne sont pas forcément tragiques et inéluctables (l'histoire de Pierre en est l'exemple même), et au final la probabilité qu'un évènement tragique inéluctable se produise est très nettement inférieure à celle de vous faire exploser dans votre voiture demain en aller bosser. Allez, des chiffres à l'appui (je les prends pour la France) :
Homicides par an : entre 700 et 1 000
Accidents de la route mortels : environ 5 000 par an (plus environ 100 000 blessés)
Sachant que les homicides sont très ciblés (grand banditisme, Corse...) alors que du côté de la route c'est beaucoup plus aléatoire.
Bon revenons à des choses plus sympa...
Donc nous profitons de la soirée à discuter, on apprend beaucoup de choses, les explications des appels à la prière 5 fois par jour, l'hygiène que les musulmans consacrent justement pour pouvoir prier (esprit et corps sain), les tapis des mosquées qui finissent quand même malgré tout par puer des pieds parce que tout le monde ne respecte pas vraiment ce concept... bref cette soirée avec des locaux est pour nous l'occasion de poursuivre à fond nos découvertes d'un pays pas uniquement au travers de ses monuments ou de ses audioguides mais au travers de personnes, celles que vous ne côtoyez pas quand vous prenez ce "package travel" où vous allez par exemple dans un pays exotique, dans un hôtel 5 étoiles dont vous ne sortez que peu, si ce n'est pour faire les visites "officielles" du guide touristique où les autochtones ne mettent jamais un pied...
Oguz repart car il n'habite pas tout près et doit reprendre un train, puis nous nous faisons ramener dans le même minibus à l'hôtel pour nous coucher après une excellente soirée passée en une très agréable compagnie. (enfin comme d'habitude, pour qu'Hélène se couche pendant que je vous met en ligne photos et récit :-)

225è jour : Istanbul (jour off 3)

23 novembre 2011

0 km, 9570 km au total

Une nouvelle journée intense commence. Nous envisageons de visiter le "réservoir", un grand réservoir d'eau souterrain construit par certain architecte d'un certain grand sultan d'une époque certaine, d'aller sur la rive asiatique et éventuellement de rentrer dans Hagia Sophia... enfin on verra si on a le temps. Hélène est en mode 2 de tension ce matin et moi je constate que je ne trouve pas mes lunettes de soleil. Je reviens regarder rapidement dans la chambre, en déduis qu'en fait elles doivent être dans le sac à dos d'Hélène qui est restée dehors... et finalement ne les trouve pas. Probablement soit bien cachées dans la chambre (parfois on fait des trucs dingues sans s'en rendre compte) ou alors tombées au resto ou café hier soir... pas cool.
On part néanmoins à pied rejoindre le port où un ferry nous emmènera quitter l'Europe pour de bon. Nous arrivons derrière la mosquée bleue, après un départ tardif, quelques détours et boom nous tombons sur Pierre et Anastasia. Quelle était la probabilité d'une telle rencontre ?
On discute trois minutes de nos projets respectifs et ils laissent tomber les leurs (visiter le palais de Topkapi) pour venir avec nous.
Nous rejoignons donc le port à pied et prenons le ferry. Il s'agit en fait de bateaux de la société de transports d'Istanbul et ils fonctionnent avec le même principe de cartes magnétiques ou (on l'apprend sur le tas) des jetons qu'on peut acheter dans des machines à côté. 2 lires (moins de 1 euro) pour la traversée, c'est agréable.
De l'autre côté on fait un peu le constat qu'en fait on n'a pas de grande idée d'où aller. Hormis les mosquées il n'y a pas de monument ou de truc particulier à voir ou visiter. On a chacun un guide différent mais on arrive au même constat : impossible de savoir où se trouve le truc cool qu'ils disent de voir. Genre "Machin est un petit quartier sympa où vous trouverez blablabla...". OK mais c'est où "Machin" ???
Du coup on longe la côte vers le sud pour profiter de la vue sur le Bosphore, regarder les bateaux passer et aller voir (oui quand même) une tour qui a servi en alternance à la marine et à l'armée pour avoir un contrôle sur le passage des navires ans le détroit.
On voit passer une mariée turque, elle est belle et Anastasia la prend en photo. Elle s'approche de nous et donne une rose de son bouquet à Hélène et embrasse les 2 filles. Elles sont aux anges. Elle rentre dans sa voiture et elle en ressort peu après avec une autre rose pour Anastasia. On ne la connait ni d'Eve ni d'Adam mais elle partage son bonheur avec les gens autour d'elle, pour rien d'autre que le plaisir. C'est impressionnant, on est sous le choc. Tout ça vient encore une fois rajouter une couche sur la gentillesse des turcs. Ca n'est pas une légende. C'est difficile à percevoir pour un français, ça n'est pas dans notre culture de recevoir des choses, et encore moins d'en donner. On est phénoménalement nuls dans ce domaine et donc c'est très difficile pour nous de comprendre ces attitude, qui, comme je l'expliquais il y a 2 jours, nous semblent collantes, pénibles voire parfois oppressantes parce qu'on ne les comprend pas. "Qu'est-ce qu'il me veut lui ? C'est bizarre ce comportement, ça n'est pas normal, les gens normaux ne sont pas gentils avec les autres sans raisons"... Et bien en Turquie si, c'est possible et même la norme.
On s'assoit pour profiter du moment, mais aussi et surtout pour discuter très longuement sur pleins de choses. On a des atomes crochus évidents, c'est très agréable.
Nous prolongeons le moment en allant déjeuner dans un petit resto le long de la côte, manger du... poisson. C'est plus cuisine internationale mais ça change de la brochette de viande. C'est léger mais bon. Je mange des anchois frais grillés pendant qu'Hélène s'attaque aux calmars. J'en profite également pour tester le café turc avec son marc fin comme de la farine au fond de la tasse. Intéressant. Probablement pas le meilleur café que j'ai bu mais la technique mériterait d'être approfondie avec, comme l'indique Pierre, du "vrai bon café". l'Afrique du sud et le café c'est quelque chose.
Nous trainons encore un peu puis rejoignons finalement le port par le chemin des écoliers pour découvrir un peu plus l'architecture de la rive asiatique. Que dire ? il y a des différences, mais seuls, en purs touristes c'est assez difficile de percevoir la profondeur de la séparation. Eugene plaisantait sur l'espèce de scission, du genre "de l'autre côté du Bosphore ce sont les ennemis", pour nous c'est un peu trop subtil... ça doit être comme ces bons parisiens que nous étions qui ne mettaient que rarement les pieds sur la rive gauche "parce qu'il n'y a pas vraiment de raison d'y aller, on a tout ce qu'il faut de notre côté"... punaise c'est loin Paris...
Nous reprenons le ferry pour rentrer "du bon côté" et nous séparons (non sans nous promettre de nous retrouver un peu plus tard dans la soirée) pour les laisser découvrir Galata Tower et Taskim pendant que nous allons gérer 2/3 courses importantes puis rejoindre le réservoir... qui s'avère fermé depuis 10 minutes. Du coup Hélène se venge en craquant la moitié de nos économies en boucles d'oreilles... elle a fait du repérage depuis quelques jours sur des boucles toutes simples, très "tourist style" mais très très cheap.
Comme sa tentative de négociation a totalement échouée lors d'un achat au bazar il y a quelques jours (j'ai rattrapé le truc pour qu'elle s'en sorte la tête haute quand même) on se met d'accord à l'avance sur la conduite à tenir. Je ne suis pas un grand marchandeur mais je lui explique quelques bases. On part quand même d'un prix à 3 lires, on a vu le même genre de boucles à 2 lires un peu ailleurs, alors ça parait gérable de gagner 1 lire, juste pour le fun et l'apprentissage.
Quelques règles si ça vous intéresse car il ne faut pas croire qu'on ne négocie qu'au Maroc ou en Turquie... je vous invite sérieusement à négocier tout ce que vous pouvez, c'est impressionnant comme parfois ça peut aller vite sur un truc qu'on croit impossible. Pas chez Leclerc bien sûr et rarement sur le web (encore que sur certains petits sites c'est envisageable) mais dès que vous faites un achat un peu important c'est à tenter, il n'y a souvent pas grand chose à perdre si ce n'est du temps.
- Mon premier conseil : soyez prêts à partir sans avoir acheté le truc que vous convoitez. Ca veut dire ne pas être forcément pressé et surtout être dans une situation où vous aurez la possibilité soit de trouver ailleurs, soit de revenir à un autre moment ou un autre jour.
- Ensuite le plus simple c'est de n'être pas convaincu et de le montrer ou alors prêt à l'achat mais un peu rebutés par le prix. "hum je serai bien intéressé par le téléviseur haut de gamme (sur lequel le vendeur fait le plus de marge) mais mon budget est serré et je ne peux pas me permettre, je vais devoir me rabattre sur le modèle moins cher (ou carrément sur rien du tout façon "c'est vraiment une belle télé, je la verrai bien chez moi mais c'est trop cher pour moi"... généralement c'est suffisant pour lancer le débat.
- L'autre approche plus brutale c'est "ok je suis prêt à signer ce contrat, mais pas à ce prix, quel serait votre prix le plus bas sur lequel on pourrait s'entendre ?"
- En intermédiaire j'aime bien utiliser "ok je suis prêt à signer ce contrat si vous faites un effort sur le prix". Ca ne dit pas le montant, ça laisse la porte ouverte à une remise plus importante que ce que vous auriez pu demander. Ensuite selon votre capacité à partir sans finaliser la vente vous pouvez simplement accepter la proposition "remisée" ou y répondre "ok je vois bien que vous avez fait un effort, je vous en remercie mais malheureusement ça n'est pas suffisant pour que je puisse acheter..."
Voilà quelques pistes. Dans le cas d'Hélène on se met donc d'accord sur 2 lires avant de commencer la discussion, Hélène dit au vendeur, "ok je les prends"... il commence à sortir un petit sachet pour les mettre dedans et elle enchaîne par "mais pas à ce prix, je les prends si vous les faites à 2 lires". Refus du vendeur (là Hélène bloque genre "heu il veut pas"). Je lui dit de lui préciser qu'on a vu les mêmes à 2 lires à quelques rues d'ici. Il nous montre l'étiquette bien imprimée qui dit "3 lires" et nous précise qu'ici on ne négocie pas les prix. Ok ça s'annonce délicat et mal barré, c'est souvent là que tout se joue. Si vous acceptez vous avez perdu, si vous êtes prêts à partir vous reprenez l'avantage. Hélène enchaîne donc avec "Ok, dans ce cas je ne les prends pas", s'arrête une seconde, et on commence à se tourner pour partir. Là vous vous doutez de ce qui va se passer... et bien non, il n'accepte pas à 2 lires ou ne fait pas de proposition à 2,5 lires... on part donc, on a perdu, tant pis.
On va donc 3 rues plus loin, on revoit quasiment les mêmes boucles, malheureusement pas exactement les mêmes mais Hélène repart finalement avec 3 paires pour 5 lires... (soit moins de 2 lires la paire). Ok on a perdu la première manche, mais gagné la négo sur le long terme.
On est d'accords que négocier pour moins d'un euro, en France quand on a autre chose à faire c'est stupide, mais appelez votre compagnie de téléphone portable, demandez direct le service résiliation (pas la peine de blablater avec le service client qui n'est là que pour vous refourguer des nouveaux trucs inutiles). Une fois le service clients au téléphone dites leurs que vous envisagez de résilier parce que le concurrent fait la même offre que vous avez pour moins cher et étrangement en 5 minutes votre abonnement est réduit de 20% ou alors vous avez plus de communications/sms/données pour le même prix. Ca marche pour plein de trucs, il faut juste avoir le culot et avoir au moins une réponse à faire au premier "non" qu'on vous renvoie.
Voilà pour cette petite digression.
On dépose aussi la rose qui a passé une sale journée à voyager sur le bord d'une petite fontaine entre les 2 grandes mosquées en souhaitant plein de bonheur à la mariée et son mari. C'est notre manière de les remercier par la pensée. Hélène est émue.
Nous rentrons ensuite à l'appart se poser quelques minutes (et nos courses par la même occasion) et demander à Eugene s'il peut téléphoner au café et resto où nous étions hier pour savoir s'ils n'ont pas trouvé mes précieuses Oakley à verres polarisées. Elles ne sont pas au café mais il n'a pas les coordonnées du resto... seul moyen donc, y retourner.
Ca n'est pas à côté et on ressort bien speed car Pierre et Anastasia ont eu la lourde tâche de trouver un resto pour ce soir et on est attendus à une heure précise.
On optimise donc le trajet à fond, merci iPhone chéri pour ton GPS bien précis et tes cartes détaillées. On arrive au resto, retrouve le proprio d'hier et on lui donne carrément un petit papier qu'Eugene a écrit pour nous afin de faciliter la demande. Forcément comme pour la négociation tout à l'heure vous vous attendez à la réponse, j'en suis dépité d'avance car outre la perte de la protection de mes yeux, d'un paquet d'euros ça signifie aussi la galère pour en retrouver des nouvelles adaptées à nos besoins, de peut-être rouler plusieurs jours sans... bref assez pénible.
Et là "notre ami" sort de sa poche... mes lunettes !!! On le remercie autant qu'on peut, 200 kilos de moins sur mes épaules. C'est fou comme dans ce genre de situation, où on a pensé et pesé chaque élément matériel du voyage, qu'on n'a pas de doublon, on est fragiles. Hélène quand elle a perdu son caleçon chaud après Vienne, c'était un peu le plan "je vais mourir de froid si je n'en trouve pas un de remplacement rapidement". Bref notre matériel on y tient énormément car on n'en a pas de rechange.
On retrouve ensuite Anastasia et Pierre de l'autre côté de la corne d'or, après une petite montée en funiculaire et allons dans un restaurant qui est dans un guide "que de restos" qu'ils ont (au passage déjà 2 restos qui n'existent plus, ça confirme notre théorie et celle de Mathilde). Ce soir c'est de nouveau "totale impro on comprend rien". Ca n'est pas super touristique donc l'anglais du serveur est très approximatif, il le sera d'ailleurs toute la soirée. On s'assoit près du grill où ils préparent la viande. La table est immédiatement couverte d'une douzaine de petites assiettes de mezzés dont pour beaucoup on a aucune idée de quoi il s'agit, c'est juste "au bonheur des papilles"... certains trucs sont étranges, d'autres horriblement épicés, et avec la chaleur du grill on prend tous les 4 bien vites des jolis tons de rouge sur le visage. Vient ensuite le plat de résistance. Une brochette d'un mètre de long sur un pain d'à peu près la même longueur et recouverte d'autres morceaux de viande (ribs d'agneau, morceaux de poulet) et de légumes (attention au piments !). On profite également de desserts sur le même principe : plein de petites assiettes de fruits frais et quelques pâtisseries. Ce soir pas de baklava. Ca fait plus de 24 heures qu'on n'en a pas mangés, mais on a l'estomac tellement rempli que ça n'est pas bien grave. On repart même avec le doggy bag des restes du pain et de la brochette !
On est tellement biens (et je crois que c'est réciproque) qu'on veut encore prolonger la soirée et on se ballade ensuite dans les petites rues autour, on s'arrête écouter de la musique, on rentre ensuite dans un bar pour prendre "un dernier verre" puis nous sommes rappelés à l'ordre par l'heure du dernier tramway si on ne veut pas retraverser la ville à pied.
Après le tramway et un bout de chemin ensemble, nos chemins se séparent car leur hôtel n'est pas tout à fait à côté du notre, on se quitte donc, et pour nous comme bien souvent c'est un déchirement. Anastasia et Pierre on a passé un tellement bon moment en votre compagnie qu'on ne peut même pas imaginer ne pas se revoir. On ne sait pas comment, mais il faudra. On trouvera un billet pour l'Afrique du sud ou un Visa pour la Russie, ou peut-être que d'ici là vous aurez tous les 2 immigré ailleurs mais on a passé une super journée, typiquement "non optimisée" même si on a fait beaucoup de choses. Du point de vue extérieur, niveau "visites" on a un peu foiré sur toute la ligne, entre la rive asiatique où on ne savait pas trop aller et le "réservoir" fermé c'était moyen. Mais on s'en fout, il n'y a pas que les monuments et les vues dégagées sur la ville. J'en viens même à accepter mes photos "bof bof" (c'est toujours très grisouille Istanbul en cette période. Soleil bas = on a toujours un contre jour quelque part + pollution) parce qu'en contrepartie j'ai une photo du sourire de Pierre, une rose dans les mains d'Anastasia et Hélène dans les bras d'une mariée, ça a plus de valeur.
Et pour conclure un peu comme hier, tout cette journée exceptionnel n'aurait pas eu la moindre chance de se produire si on n'avait pas accepté la proposition louche d'Eugene au départ... comme quoi il faut se méfier des apparences... dans les 2 sens et pas seulement dans le sens négatif !

226è jour : Istanbul - Ipsala

24 novembre 2011

0 km, 9570 km au total

Autant être francs, le réveil est dur ce matin, surtout après s'être couchés à 3h du matin. Ces derniers temps j'écris beaucoup, plus les photos à traiter, l'upload un peu anémique du wifi n'aide pas non plus, enfin bref on n'est pas bien frais mais on essaye néanmoins de ne pas trop trainer pour ranger nos affaires car ce matin on a goupillé un truc. Je ne voulais pas en parler mais il y a quelques jours quand nous avons pique-niqué avec Oguz la première fois on lui a demandé (par l'intermédiaire de son ami steward au téléphone) si son travail de jeudi (livraison de biscuits) ne l'amenait pas à passer sur une route qui passerait par Istanbul et irait un peu à l'extérieur le long de la côte... et si dans l'affirmative il ne pouvait pas nous emmener dans sa camionnette avec le tandem histoire qu'on n'ait pas à reprendre ces horribles 2x2 voies qui montent et qui descendent et qu'on ne regalère pas pour trouver un lieu de bivouac car à 50/60 km du centre d'Istanbul c'est toujours très dense niveau urbanisation, usines, ...
Oguz n'a pas voulu nous dire si ça l'arrangeait ou pas, si ça pouvait se goupiller avec son travail, il nous a juste dit "oui pas de problème je vous emmènerai à la frontière grecque, je passe vous prendre jeudi matin à votre hôtel". On était sur le c*l mais en même temps très contents de la proposition.
En ce jeudi matin, après le petit dej notre chauffeur passe donc nous prendre. Il y a eu quelques aménagements entre temps, il doit passer d'abord par une autre ville, y faire des livraisons pendant 2 heures puis ensuite direction le sud-ouest vers Ipsala, la dernière ville avec la frontière grecque. On n'en revient toujours pas, on a calculé un peu entre temps, ça fait genre 250 km de côte pas terrible et bien vallonée "d'économisés". On embarque donc tout notre bardas, dit au revoir à nos hôtes de la guest house où on a passé quand même d'excellents moments. Oguz est déjà en train de refiler un de ses trois dictionnaires français-turc à Eugene (j'ai aperçu l'orthographe de son prénom, en fait ça ne s'écrit pas du tout comme ça, désolé) et des biscuits de son entreprise, il fait le commercial en même temps :) Une nouvelle fois (comme à Constanta) on est contents d'avoir un peu participé nous aussi à la mise en relation de personnes.
La sortie d'Istanbul est assez longue, un peu de trafic et des enfilades de banlieues. On passe devant un Décathlon, Carrefour et compagnie (tiens je ne vous l'ai pas dit mais il y a aussi des Darty à Istanbul). Oguz nous dépose dans un centre commercial de la ville qu'il doit desservir. En garant sa camionnette il discute avec la vigile du parking, on ne sait pas trop ce qu'ils se disent mais elle nous prend en charge pour trouver l'endroit où garer le tandem (qui gênerait les livraisons d'Oguz) et nous amène à l'intérieur vers l'espace où il y a les restaurants et café puis retourne à ses occupations (la plupart du temps c'est pour faire ressortir 2 mignons petits chatons un peu sauvages qui passent leur temps à se chamailler et à jouer les effrontés en rentrant à la recherche d'un truc à manger). Encore une fois nous sommes étonnés de cette gentillesse et coopération. On n'arrive pas du coup à comprendre pourquoi à l'entrée du centre commercial, comme à l'entrée de pas mal d'endroits où nous avons été, il y a un portique de détection de métaux/armes. La première fois c'était à l'hôtel 4 étoiles avant Istanbul, la seconde fois avant de rentrée dans un monument dans le centre (nos sacs ont carrément été passés aux rayons X, j'ai du laisser mon couteau à la consigne)... ce pays recèle décidément d'un paquet d'oppositions, voir de contradictions. c'est probablement ça l'héritage de la puissance de Byzance, Constantinople, Istanbul... toutes ces guerres, ces mélanges de cultures et de civilisations, ça nous donne un melting pot intéressant et difficile à cerner.
Nous passons donc 2 heures tranquilles à nous reposer, à bouquiner et à découvrir... Burger King. 2 heures piles après Oguz revient nous récupérer. Après un dernier arrêt livraison et petit ravitaillement en trucs à grignoter et essence, cette fois c'est la direction vers la Grèce. La météo est catastrophique, il pleut régulièrement, il y a du vent, sans compter le relief... on est bien au chaud dans la voiture !
On en profite pour continuer à l'aider dans l'apprentissage du Français. C'est impressionnant comme en 2 jours il a fait des progrès. On sent qu'il est motivé. Il y a plein de bouquins et de dictionnaires de français dans le camion, c'est marrant.
A un moment, je ne sais plus trop de quoi on parlait mais Oguz sort ses plaques de militaire (vous savez, à l'américaine, la chaînette avec 2 plaques identiques accrochées). En Turquie le service militaire c'est un truc important, un "honneur" plus qu'un devoir. J'ai toujours un doute sur la durée donc je ne voudrais pas écrire de bêtise mais c'est quelque chose entre 6 et 15 mois selon les études faites auparavant (genre 15 mois si on ne fait pas d'études particulières mais ça peut être ramené à 6 pour ceux qui font des études supérieures). Toujours est-il qu'il en détache une, la range et me donne l'autre plaque et la chaîne en cadeau. Un cadeau très difficile à accepter. On sent que ces jours avec nous le touchent beaucoup mais c'est nous qui sommes remplis d'émotion. Hier Hélène recevait une rose d'une inconnue, aujourd'hui c'est moi qui reçoit un symbole très fort et pour rajouter un peu d'émotion, genre comme si c'était nécessaire, Hélène me dit "maintenant c'est un peu comme si vous étiez des frères". On a nous aussi un cadeau pour Oguz, hier on a été faire tirer des photos qu'on a prises ensemble il y a 2 jours ainsi que quelques-autres faites durant le voyage. Il en accroche une dans sa camionnette qu'il aime bien décorer, ça nous fait très plaisir.
On atteint finalement Ipsala à une heure qui commence à être critique, plus de 16h30. On dépasse un peu la ville et commence à regarder où on peut bivouaquer. Ca s'annonce difficile. On aperçoit un genre de parc, mais en fait c'est un truc privé genre une société. On fait 30 mètres de plus et trouve un endroit qui pourrait le faire. Oguz n'est pas convaincu, il recule et va discuter avec le vigile de la société en question. Il revient et dit qu'il n'y a pas de souci, on peut bivouaquer devant. D'ailleurs lui aussi va rester là pour la nuit ! Visiblement il a l'habitude de dormir dans sa camionnette. Il se gare, nous aide à monter la tente et prépare lui aussi son matelas en mousse et ses petites affaires à l'arrière. On se retrouve ensuite à l'avant, il fait bon, et on l'aide à travailler son français avec les manuels qu'il possède. Le vigile vient nous apporter du thé et discuter un moment. On dine ensuite des restes du resto d'hier. Le kebab froid c'est moins bon mais finalement tout à fait mangeable. On goûte aussi quelques biscuits à la noix de coco de la société d'Oguz. Le vigile revient discuter un peu et nous le rejoignons ensuite à son poste où il y a des toilettes et de l'eau pour se laver les dents mais aussi un poêle à bois autour duquel il fait bon discuter un peu.
L'heure tourne néanmoins et malgré l'absence du moindre kilomètre de vélo aujourd'hui on est bien fatigués. Allez, aux plumes.